Little things ~ Minerva

« Barnaby, vient par ici, j'ai quelqu'un à te présenter. » Un petit garçon, âgé de seulement trois ans, s'approcha alors de sa maman et de l'étrange paquet qu'elle tenait entre ses mains. Ça n'arrêtait pas de bouger et il se demandait ce que ça pouvait bien être. Pour le moment, ça ne faisait pas encore de bruit, mais son papa l'avait prévenu que ça pourrait arriver et que si c'était le cas, alors il faudrait rester tranquille et surtout ne pas se mettre à crier à son tour. L'enfant ne comprenait pas. Quelques jours avant, sa maman avait un gros ventre, aujourd'hui il avait disparu et elle avait cette chose dans les bras. Il s'approcha, tout doucement et découvrit un tout petit visage, tout rond et tout rose. Ses yeux s'ouvrirent et un sourire s'étira sur la minuscule bouche. «  C'est ta petite sœur. Elle s'appelle Minerva, et tu vas devoir en prendre soin. Tu es d'accord ? » Le petit garçon pris quelques secondes pour observer sa petite sœur qui ne le lâchait pas du regard avant de hocher la tête. Il en prendrait soin. Jusqu'au bout.


CINQ ANS PLUS TARD

«  Qu'allons-nous faire d'eux ? Ils n'ont plus personne, ils sont si jeunes… » «  Ce n'est jamais évident. Les accidents comme ça… C'est horrible ce qui s'est passé. Et ces pauvres petits… Que vont-ils devenir ? » « Tu crois qu'ils s'en remettront un jour ? Je veux dire… être seul comme eux si jeune… C'est si terrible. » « Regarde les, ils ont l'air si fort comme ça. » Les enfants Ravenwood se tenaient bien droit, devant les cercueils de leurs parents. Le petit garçon gardait la main de sa petite sœur serrait dans la sienne, comme si elle allait lui échapper pour toujours s'il la lâchait. Minerva, quant à elle, regardait droit devant elle, essayant de ne plus entendre tout ce qui se disait autour d'elle. Croyaient-ils vraiment qu'elle ne comprenait pas ? Qu'elle était trop petite ? Qu'elle était trop stupide ? C'était une grande fille maintenant, assez grande pour avoir compris que sa vie allait prendre un tournant inimaginable, que désormais plus rien ne serait pareil et qu'elle ne pourrait compter que sur son frère, le dernier membre de sa famille. « Mini, ne t'inquiète pas, je vais prendre soin de toi. Je te le promet, comme je l'ai promis à Maman quand tu es arrivée parmi nous. Je te ne laisserais pas Mini, pour toujours et à jamais. » Une larme coula sur la joue de la petite fille, la première fois depuis que la maîtresse lui avait demandé d'aller voir la directrice, qui lui avait alors dit que ses parents n'étaient plus.


QUATRE ANS PLUS TARD

Devenir orphelin ce n'est pas quelque chose de facile, d'autant plus lorsque l'enfant est assez âgé pour comprendre ce qui lui arrive et que sa vie ne serait plus jamais la même puisqu'elle n'a plus de parents, plus personne pour rassurer lorsque l'on a peur du noir, plus personne pour nous dire que tout ira bien le premier jour d'une nouvelle année scolaire. Heureusement, Minerva n'était pas toute seule, elle avait son grand-frère et elle savait qu'elle pouvait toujours compter sur lui. Il était là pour l'aider avec ces devoirs, pour la protéger des grosses brutes, pour la ramener de l'école jusqu'à l'orphelinat, il était toujours présent lorsque ces nuits se peuplaient de cauchemars, lorsqu'elle était trop triste pour faire quoi que ce soit, quand elle avait besoin de se souvenir de ses parents, de sa vie d'avant.  Seulement voilà, l'enfant était aussi capable de comprendre qu'il fallait qu'ils trouvent une famille, des personnes qui prendraient soin d'eux et qui leur offriraient l'avenir qu'ils ne pouvaient pas avoir en restant ici. Mais adopter deux enfants… à leur âge… Personne n'a voulu des enfants Ravenwood.


SIX ANS PLUS TARD

Barnaby était venu s'installer sur le lit de sa sœur, il lui tournait le dos, ne pouvait se résigner à la regarder en face alors qu'il devait lui annoncer qu'il devait partir. Il venait de fêter ses dix-huit ans et devait partir de l'orphelinat. Ils estimaient qu'il était désormais en âge de s'assumer tout seul et de toute façon ils n'avaient plus la place pour lui. Ni pour aucun d'entre eux. Combien de ses amis avait-il vu partir pour cette raison ? Beaucoup trop à son goût. Il se mit à parler, la voix tremblante, ne pouvant se résoudre à abandonner sa petite sœur. Il avait réfléchi, toute la nuit, à ce qu'il pourrait faire pour éviter cela. Mais ce n'était pas possible, jamais on ne l'aurait laissé partir d'ici avec Minerva, il fallait attendre qu'elle ait 18 ans elle aussi. Hors il ne pouvait pas la laisser durant trois ans… C'était trop dur. Lorsqu'il se retourna enfin vers elle, il vit la colère dans son regard. Elle serrait les lèvres, pour s'empêcher de se mettre à hurler, à pleurer. Elle n'avait qu'une seule envie : le frapper. Bien qu'elle comprenne tout cela… C'était bien le pire, comprendre sans pouvoir l'accepter. «  B. tu m'as promis. Tu ne peux pas… » Il se prit la tête entre les mains, retenant les larmes qui menaçaient de l'assaillir. « Mini, je n'ai pas le droit de te prendre avec moi, ils ne nous laisseront jamais faire. Je le veux, du plus profond de mon être, mais je ne vois pas comment faire. » Il finit par la prendre dans ses bras, lui murmurant toujours plus de promesses au creux de l'oreille, se promettant intérieurement de les tenir. Quoi qu'il en coûte. Puis il se leva et quitta la chambre de sa petite sœur, sans même un regard en arrière, cela aurait été trop dur.


LA MÊME NUIT

Minerva n'avait pas quitté son lit depuis que son grand-frère était parti. Elle n'avait pas put se lever pour aller dîner, elle ne pouvait plus arpenter les couloirs de cet orphelinat sans penser à Barnaby qui devait se trouver si loin désormais. Elle avait entendu les autres revenir, puis se mettre au lit. Personne n'était venue la voir, ils savaient qu'elle avait besoin de rester seule, certains d'entres eux avaient connus cela aussi. C'était comme ça ici, il fallait s'y faire, tout simplement. L'adolescente finit par s'endormir sur son oreiller mouillé de toutes les larmes qu'elle n'avait pas réussi à faire sortir depuis qu'elle avait mis les pieds ici. Elle fut réveillée par un bruit inhabituel. Elle se redressa sur son lit et étouffa un cri lorsque l'on lui plaqua une main sur la bouche. Le temps que ses yeux s'habituent à l'obscurité et elle reconnut son grand-frère. Son cœur bondit dans sa poitrine alors qu'il retirait lentement sa main. « Surtout ne fait aucun bruit et prends toutes tes affaires. Je ne te laisserais pas ici une nuit de plus. » Dans la nuit noir, elle pris ce qui lui tenait le plus à cœur, ce qui ne faisait pas grand-chose à mettre dans le sac à dos de B. Puis, dans le silence le plus complet, ils quittèrent l'orphelinat. Au bout de la rue, la jeune fille se retourna malgré elle et adressa un grand sourire au grand bâtiment qu'elle devinait dans la pénombre. Elle ne savait pas ce que lui réservait le reste de son avenir, mais tant qu'elle se trouvait avec son grand-frère cela n'avait pas d'importance.


QUELQUES ANNEES PLUS TARD

Mini. Ce doux surnom résonnait encore tellement à ses oreilles que s'en était presque douloureux. Tout comme la vision qui s'offrait à elle. Une tombe encore ouverte. Un cercueil mis en terre. Une vie qui venait de s'éteindre à tout jamais. Comme ses parents. Sauf que cette fois, elle n'avait personne pour la réconforter, pour lui prendre la main et lui dire de ne pas écouter tout ce qui pouvait se dire autour d'elle. Non, aujourd'hui c'est Minerva qui devait tenir ce rôle pour ses nièces. Elle n'avait désormais plus qu'une tante un peu folle comme famille et il allait falloir faire avec. Glissant sa main dans celle des deux filles, Mini regarda une dernière fois le nom inscrit sur le marbre avant de détourner les yeux. C'était vraiment trop douloureux. Tout le monde était déjà parti et l'on n'attendait que leur départ pour finir le travail. La prochaine fois qu'elle se rendrait ici, son frère serait sous quelques mètres de terre et de pelouse. Sa voix, un murmure dans ce lieu de silence, brisa le calme. «  Tout va bien se passer, vous m'entendez. Je vous promets, comme votre père me l'a promit un jour, que tout va bien se passer. Vous zllez pleurer. Beaucoup. Mais ce n'est pas grave. Une fois que vous n'aurez plus de larmes, vous pourrez retourner à l'école, venir m'aider à la boutique, réapprendre à vivre. Ça ne sera pas facile, mais vous y arriverez. Comme j'ai réussi à le faire. » Entraînant les jeunes filles avec elle, Minerva quitta le cimetière. Trop de personnes qu'elle aimait se trouvaient ici.